Exploration un jour de pluie [privé]

Un feulement de surprise retentit dans la caverne lorsqu'Ellen vit Fei reculer de plusieurs fois, comme s'il avait été repoussé par un choc sourd et invisble. Elle ferma les yeux, consternée lorsqu'elle entrevit ce qui allait advenir. Une chute sur le squelette. Des os brisés. Mais lorsqu'elle les rouvrit, ce fut pour être réduite à son tour au silence. Le dragon se réassemblait, lentement, et s'ébrouait comme un chien. Elle ne réussit pas à répondre à Fei. Elle était beaucoup trop fascinée, incapable de regarder autre chose que ces os blancs qui se mouvaient avec nonchalance.

Autour d'elle, les machines semblaient prendre vie derrière les couches de lichen et de lierre. Quelques lettres du même alphabet inconnu que celui du socle brillaient d'une lueur vive puis s'éteignaient lorsque d'autres s'allumaient plus loin. Ellen jura entre ses moustaches. Elle n'avait rien pour prendre une image de ce qui se passait sous leurs yeux. Elle n'avait pas pensé à prendre l'un de ces perroquets sophistiqués qui pouvaient répéter avec précision tout ce qu'ils avaient vu, allant, pour les mieux entraînés d'entre eux, jusqu'à décrire sur commande le moindre détail d'une scène. En dehors d'eux, aucun témoignage de ce moment n'allait subsister. A défaut de preuve, elle sortit rapidement un carnet de sa ceinture et commença à noter frénétiquement toutes ses observations. Jusqu'à ce qu'une voix caverneuse ne la coupe en pleine phrase.

La dragonne parlait. Elora. Liato. De nouveaux caractères apparurent sur le calepin, griffonnés d'une main tremblante. Ellen ne pouvait quitter la dragonne des yeux. Au moins jusqu'à ce que l'air s'emplisse soudain d'une étrange puanteur qui la fit tousser. Un concentré d'hormones. Des hormones de dragonne. Produites par un tas d'os. Ellen se frotta frénétiquement le museau avant de réaliser le danger, bien trop tard évidemment.

- Putain, Pastel. Aux oubliettes, le langage châtié des salons familiaux.

Un nombre d'injures traversa l'esprit de la félis pendant qu'elle réfléchissait à ce qu'elle devait faire. La dragonne avait l'air innofe... bienvei... non agressive. Mais elle diffusait assez de phéromones pour que même une félis les sente. Et ça, ça ne sentait pas bon, songea Ellen dans un petit ricanement effrayé devant son propre mauvais jeu de mot.

- Elora, elle se racla la gorge, consciente que s'adresser à Pastel ne servirait à rien. Ô noble gardienne, nous ne convoitons pas ton trésor. Le souvenir de ta grâce en est déjà un que nous chérirons longuement. Pourquoi maintenir notre ami en ton pouvoir quand ta seule présence suffit à nous paralyser d'admiration ?

Codage par Libella sur Graphiorum

Ellen lança un bref coup d'oeil à Fei et l'équipe de fouille qui s'était reculée prudemment de quelques pas. Elle ne savait ce qu'il manigançait mais au vu de ses légers mouvements de main, elle ne pouvait qu'imaginer une histoire d'ingéniomancie. Comme si la situation n'était pas assez compliquée avec ces phéromones qui la faisaient éternuer.

- De sa propre volonté ? Elora, l'air pue les phéromones d'une manière surnaturelle. Tu envoûtes Pastel pour le manipuler comme un animal privé de bon sens. Soyez raisonn...

- Nous avons le droit de vous étudier ! Alors mettez vous dans...

Ellen eut soudain un goût amer dans la bouche. Comme si elle avait mordu dans un citron trop acide. Un goût de bile un peu âcre qui lui évoquait sans conteste le goût de la peur. Quel abruti avait bien put ouvrir ainsi son claque-merde ? Elle se retourna vivement et en un bond fut sur lui. La patte qu'elle lui envoya dans le visage le fit tomber au sol.

- Silence, lui cracha-t-elle au visage, défiant le reste de l'équipe de dire le moindre mot, sa queue fouettait l'air nerveusement.

Mais le mal était fait. Elle se retourna lentement, excessivement lentement, en entendant pour la première fois la voix de Pastel gronder. Elle recula d'un pas sous la force de sa puissance. Elle ne savait pas précisément ce qu'il faisait, mais elle sentit ses dents claquer malgré elle. Ouvrir la bouche une nouvelle fois fut une épreuve.

- Pastel, Elora. Nous ne sommes rien venus faire d'autres que de comprendre une machine inconnue. Nous n'avons aucune envie de toucher à votre trésor, ni à vous-même. Pastel, rappelez-vous toutes nos discussions lors des réunions de l'université. Vous savez que je n'abîmerai aucun trésor archéologique, pas plus que je ne le volerais à ses légitimes propriétaires.

Un peu d'emphase sur le légitime ne serait pas de trop au vu de sa dernière mission au Caire. Mais ils n'avaient pas à le savoir.

Fei... dépêche toi. Qu'est-ce que tu fais avec ce foutu caillou ?!